META a été condamné à supprimer des contenus violant la réglementation sur la publicité de boissons alcoolisées par le Tribunal judiciaire de Paris dans une décision du 5 janvier 2023.
Les faits étaient les suivants : l’association Nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA – devenue Addictions France) constate qu’une trentaine de publications postées sur les comptes Instagram de divers influenceurs mettent en valeur des boissons alcooliques sans respecter la réglementation applicable à ce type de publicités. Notamment, aucun message de prévention sur les dangers de l’abus l’alcool sur la santé prévue à l’article L3323-4 du code de la santé publique n’accompagnait les publications.
Après avoir tenté en vain de voir ces publications supprimées auprès des influenceurs, l’association décide alors de se tourner vers la société Meta Platforms Ireland Limited, éditrice du réseau Instagram, et lui signale ainsi les contenus illicites en vue de leur retrait. Sans succès.
L’ANPAA décide alors d’engager une procédure à l’encontre la société META, devant le Tribunal Judiciaire de Paris et sollicitait :
1. la suppression de plusieurs publications contrevenant à la loi Evin ;
2. la communication des identités civiles des influenceurs visés en vue d’engager des actions .
L’ANPAA visait une trentaine de publications de différents influenceurs, comme par exemple une photographie d’un influenceur « fêtant son anniversaire avec une bouteille de « Greygoose » à la main ; ou encore une photographie prise dans un bar sur un port, avec quatre mojitos et des verres portant le sigle – Havana Club – ».
Selon l’appréciation du Tribunal, et sans surprise, ces publications associant des moments joyeux, conviviaux et festifs avec la consommation d’alcool, constituent des publicités illicites en faveur de boissons alcooliques.
De même, le Tribunal considère que l’association d’un moment de détente en famille avec la consommation d’alcool est jugée contraire aux règles du code de la santé publique. Etait notamment visée ici la photographie d’un influenceur « trinquant avec son père un verre de Caïpirinha de la marque « aguacana cachaca » à la main avec en description de la publication une recette pour bien réaliser le cocktail en question ; avec en description de la publication « Les beaux jours sont là. (…) Heureusement que mon Père est aussi fan que moi de cet élixir brésilien ! » ».
Dans ce contexte, les juges font droit à la demande de l’association de prévention contre les addictions et ordonne le retrait de toutes les publications identifiées par le demandeur comme contraires à la réglementation en vigueur.
Par ailleurs, l’association sollicitait la communication des informations relatives à l’identité civile des influenceurs sous le fondement de l’article 6.I.8 de la LCEN afin d’engager des poursuites pénales contre les influenceurs à l’origine de contenus litigieux.
Le Tribunal répond également favorablement à cette demande et ordonne au réseau social de communiquer à l’association les données de nature à identifier les influenceurs concernés et notamment, les noms, adresse e-mail ou numéro de téléphone de ces derniers. Cette demande de l’association est considérée comme légitime par le tribunal dans la mesure où le fait de publier des contenus sur Instagram ne respectant pas les règles du code de la santé publique constitue un délit, permettant de voir engager la responsabilité pénale des influenceurs.
Selon le Tribunal, la seule suppression des publications par META n’était pas suffisante pour faire cesser le dommage étant donné que les influenceurs avaient refusé de retirer le contenu ou niaient le caractère illicite de leur publicité.
L’Association Addictions France s’est félicitée de cette décision et milite pour réglementer le marketing d’influence et interdire la publicité d’alcool par les influenceurs.
Cette décision tombe à point nommé alors que le ministère de l’Économie a lancé le 8 janvier dernier une consultation publique visant à encadrer les pratiques commerciales des influenceurs. Le ministère a organisé en parallèle des tables-rondes, avec les représentants du monde l’influence (tables-rondes auxquelles TAoMA Partners a participé). Il y a été notamment question de la responsabilité des plateformes lorsque les messages des influenceurs sont illicites et nocifs pour le public. L’exemple de violations répétées de la loi Evin, notamment en direction de publics jeunes, a été longuement abordée.
Émeline JET
Élève-avocate
Anne Laporte
Avocate