Les photographies d’hôtels de luxe ne sont pas originales : une décision clichée ?

Disposer d’une protection au titre du droit d’auteur sur des photographies n’est pas chose aisée.

En témoigne une fois de plus une décision remarquée du tribunal judiciaire de Paris qui, le 23 juin dernier, a dénié cette protection à des photographies d’hôtels de luxe à vocation publicitaire.

Dans cette affaire, la société New Mauritius Hotels Limited Beachcomber, exploitante d’hôtels de luxe à l’île Maurice et aux Seychelles, avait confié la réalisation d’une campagne publicitaire incluant des captations d’image à la société Maison Carrée Productions.

Le contrat conclu entre les deux sociétés prévoyait que les droits de propriété intellectuelle de l’ensemble des livrables étaient cédés pour une utilisation sur tout support, dans le monde entier et pour une durée de cinq ans.

Pour cette commande, la société de production a elle-même fait appel à un couple de mannequins « instagrammeurs » qu’elle a chargé de la réalisation des clichés destinés à mettre en valeur les hôtels.

Or, sur leurs factures était stipulé que leurs droits de propriété intellectuelle seraient cédés à la société de production uniquement pour une utilisation de leurs clichés sur Instagram et pendant une durée de trois ans.

On devine aisément ce qui s’est produit ensuite.

Le couple a constaté qu’une bonne partie de leurs clichés se retrouvait diffusée par New Mauritius sur d’autres supports de communication qu’Instagram.

Une vaine tentative de règlement amiable plus tard et la société New Mauritius se voyait assignée devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de droit d’auteur et violation du droit à l’image.

Sans surprise, tout le monde s’est retrouvé devant le tribunal pour en découdre.

Faute d’originalité des clichés, les demandes du couple, fondées sur la contrefaçon, sont rejetées

Pour qu’une œuvre soit protégeable au titre du droit d’auteur, encore faut-il qu’elle soit originale au sens du code de la propriété intellectuelle.

Ce caractère original n’a pas été reconnu par le tribunal qui a refusé la protection des clichés au titre du droit d’auteur en dépit du savoir-faire indéniable du couple en matière de photographie.

Le Tribunal relève en effet que :

• Les photographies n’ont pas fait l’objet d’un traitement a posteriori ;
• La prestation s’inscrivait dans le cadre de l’exécution d’une campagne publicitaire réalisée par une société de production et ses lignes conceptuelles et esthétiques avaient été prédéfinies ;
• Aucun sujet photographié ne s’écarte des « conventions classiques » de la publicité dans ce domaine ;
• Les photographies sont très stéréotypées et les effets de lumière résultent de la beauté naturelle des sites.

Ainsi, le tribunal juge que les clichés ne portent pas l’empreinte de la personnalité des auteurs et ne sont donc pas protégeables au titre du droit d’auteur.

(I) La responsabilité contractuelle de la société de production, un lot de consolation ?
A défaut de se voir reconnaître des droits d’auteur sur les clichés, le couple d’Instagrammeurs a obtenu des dommages et intérêts de la société de production sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

En effet, alors que la société de production avait cédé à la commanditaire de la campagne publicitaire, les droits de propriété intellectuelle sur toutes les photographies pour une utilisation sur tous supports et pour une durée de cinq ans, elle n’avait pourtant obtenu des photographes que les droits portant sur l’utilisation des clichés sur Instagram et pour une durée de trois ans.

Elle avait donc cédé à sa cliente plus de droits qu’elle n’en avait.

C’est sur ce même motif que la société de production est par ailleurs condamnée à garantir intégralement la société commanditaire, des condamnations prononcées à son encontre, notamment sa condamnation au titre de l’atteinte au droit à l’image des requérants.

(II) La condamnation de la société New Mauritius pour atteinte au droit à l’image du couple
Le couple n’avait pas donné son autorisation pour la diffusion de son image sur d’autres supports que le réseau Instagram. Le tribunal reconnait à ce titre que leur profession de mannequins justifiait qu’un préjudice patrimonial soit retenu eu égard à la valeur marchande des clichés et à la possibilité de leur faire perdre une chance d’être recrutés par des concurrents.

* * *

A l’ère des téléphones portables de plus en plus sophistiqués, voilà donc une nouvelle avancée de la tendance jurisprudentielle consistant à ne pas retenir systématiquement l’originalité des clichés photographiques. Mais attention, les influenceurs ne sont peut-être pas tous des auteurs, ils ont incontestablement un droit sur leur image, qu’il faut toujours veiller à respecter !

Alain Hazan
Avocat associé

Delphine Monfront
Avocat à la Cour

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